La première motivation, c'est de faire une longue marche de quelques semaines en Europe!
Un rêve qui m'obsède depuis des années, mais que je n'ai jamais réalisé pour plusieurs bonnes raisons: d'autres projets de voyage, une job qui m'occupait, peut-être aussi le doute d'avoir la forme physique nécessaire...
Mais je pense que, passé 50 ans, on ne peut plus se dire "un jour...", faut commencer à fixer les rêves dans le temps, surtout ceux qui requièrent un effort physique. On s'entend, je ne compte pas escalader l'Everest, et les chemins que j'ai en tête sont fréquentés en grande partie par des retraités, mais je veux quand même profiter de ma grande forme actuelle pour apprécier encore plus l'aventure.
Je voulais que ce soit en Europe, parce que je cherche la garantie d'une expérience complète, contemplative, active et épicurienne ... des beaux paysages, de la bonne bouffe, de l'histoire, du bon vino, du raffinement culturel et artistique, des belles rencontres... je veux marcher toute la journée sous le soleil à travers les champs d'oliviers ou les vignobles, et arriver en fin de journée, épuisé, dans un superbe village médiéval juché au sommet d'une colline, pour siroter un verre de vin de la région et manger la spécialité locale.
Et maudit que l'Europe ne manque pas de sentiers de randonnée répondant à ces critères!!
Alors lequel choisir?
J'écartais tous les chemins de Compostelle qui sont devenus trop populaires à mon goût. Je ne veux pas me retrouver sur un boulevard rempli de marcheurs devant et derrière, je cherche de l'espace, du silence et le plus de solitude possible. M'arrêter devant un panorama sans entendre les commentaires d'autres pélerins derrière moi, avoir l'endroit pour moi tout seul!
Il y avait aussi la température. Marchant hors-saison, en avril, on peut s'attendre à tout, surtout lorsqu'on se trouve parfois en hauteur... il y avait le Chemin de Stevenson dans les Cévennes françaises qui me titillait, mais le froid dans les montagnes peut encore être mordant à ce temps-ci de l'année... je souhaite marcher le plus légèrement possible, t-shirt et shorts en permanence, quitte même à avoir un peu trop chaud.
Puis il y a que j'apprends l'italien depuis quelques années déjà. Je me disais que je pourrais mixer l'utile à l'agréable et pratiquer quotidiennement, au fil des rencontres. J'imagine aussi que ma connaissance de la langue me sera pratique dans les régions éloignées où il ne se parle ni français, ni anglais (j'en reparlerai!)
Alors la fameuse Via Francigena me semblait toute désignée!
Pour faire une histoire courte, la Via existe depuis l'antiquité, mais c'est Sigéric, l'archevêque de Canterbury dans le sud de l'Angleterre qui, au Xe siècle, devait se rendre à Rome et c'est au retour qu'il documente son voyage, en décrivant chacune des étapes, constituées principalement de villages où se trouve une abbaye ou un monastère (parce que Sigéric voulait dormir gratis), et pas nécessairement de grandes villes importantes.
Alors comme on s'en doute, c'est un très long camino... environ 2000 km pour relier Canterbury à Rome, près de 3 mois de marche... étant à ma première expédition du genre, je me contenterai de faire les 400 derniers kilomètres de Lucca à Rome, trois semaines de marche bucolique à travers les magnifiques régions centrales de la Toscane et du Lazio!
Ça devrait être mémorable!
VF 01 : Lucca à AltopascioÇa ne devait pas être ma première journée de marche.
Je comptais bien passer la journée à explorer Lucca, y dormir, et commencer ma marche le lendemain matin... mais bizarrement, j'ai fait le tour de la vieille ville plutôt rapidement, il n'était pas encore midi, un superbe vieux quartier aux multiples ruelles et terrasses sur lesquelles j'aurais pu trainer toute la journée... je n'avais pas réservé d'hôtel encore et je me suis dit .. et si je commençais ma marche aujourd'hui dès maintenant?... Y a quelque chose qui m'en empêche?
Ça m'a comme une peu pris de court. J'étais prêt? Mes deux jambes étaient en place, mon sac solidement attaché aux épaules et au bassin...
J'ai rempli ma bouteille d'eau à la fontaine le long du canal et je me suis mis en route!
Je vous dis pas le sentiment de légèreté, d'aventure qui me donnait des ailes!
Je faisais les premiers pas sur ce chemin mythique avec la conviction que ce périple allait être mémorable à tous points de vue!
On n'est pas laissés seuls à nous-mêmes sur la Via, tout est bien balisé, avec un bon nombre d'indications pour éviter de s'écarter... notre meilleur ami sera ce petit collant blanc et rouge ici bas, qui se trouvera partout, collé aux arbres, aux poteaux, aux bornes fontaines, aux clôtures... parfois les couleurs auront pâli, il sera recouvert de végétation, et faudra le retrouver dans le feuillage derrière un buisson, mais il nous indiquera toujours fidèlement la bonne direction!
Dans mon carnet:
Je suis dans ma chambre d'hôtel de Altopascio (Hotel Cavalieri del Tau), donc j'ai réussi ma première étape!! Mais ce ne fut pas sans peine... esti que je suis mort!!!
Les jambes en compote et la face un peu rougie par le soleil et la chaleur...
Disons que c'était pas la marche la plus bucolique de l'histoire, loin de là... à un certain point, à force de marcher sur des routes passantes, sans trottoirs, de me faire frôler par des chars et des camion, et juste traverser des banlieues ou villages de périphérie sans trop de charme, je me suis demandé si j'allais trouver la motivation de faire 3 semaines...
Quelques jours plus tard j'aurai une discusion avec d'autres pélerins sur cette portion de la Via, et tous étaient sans équivoque: c'est la plus laide et la moins intéressante du circuit... à un point où certains préfèrent tricher et le faire en bus pour rejoindre Altopascio
Heureusement, à la sortie de Porcari (et après avoir traversé une autoroute), ça s'est grandement amélioré avec un joli chemin de campagne menant à une auberge/étape tenue par Ivo, qui me parlait italien comme si on avait grandi ensemble. Super sympathique monsieur ayant fait la via 3 fois pour accompagner des groupes de marcheurs à mobilité réduite... il m'a fourni un petit carnet "credenziale del Pellegrino", incontournable pour compiler les étampes de chacune des étapes (et prouver qu'on ne bullshit pas sur la distance parcourue)
(...)
c'est 28 kms qui m'attendent demain. Je commencerai plus tôt, prendrai plusieurs longues pauses, irai plus lentement aussi... y a pas d'urgence! Je vais aussi sortir mes bâtons de marche pour voir la différence, parce que mes jambes y ont goûté aujourd'hui!
VF 02 - Altopascio à San Miniato
Ce matin, on ne traine pas longtemps sur le bord de cette route achalandée, en pleine heure de pointe. Passé le premier carrefour on s'enligne sur un étroit chemin de terre et de gazon, bordé de champs et de boisés... voilà exactement l'idée que je me faisais de ce pélerinage!! 😍... beaucoup de nature, énormément de silence, et le moins de monde possible! En ce début avril, les arbres sont encore plutôt dégarnis mais l'herbe est verte et parfois fluo, galvanisée par le soleil du printemps! Par endroits même, le gazon semble très peu piétiné, le signe que peu de marcheurs se sont déjà lancés sur le trajet cette année... la haute saison, me dit-on commencera après Pâques, dans quelques semaines. J'ai le temps!



D'autres panneaux de ce genre seront bien présents sur la Via. On y trouve la direction et la distance vers la prochaine étape (San Miniato), mais aussi plusieurs informations sur les petits sentiers secondaires... c'est pas tout le monde sur le trajet qui se tapera la distance complète, certains viennent juste faire un petit circuit-santé


Des traces de l'ancienne voie romaine sont encore bien visibles par endroits... toujours fonctionnel après 2000 ans! Montréal devrait y prendre exemple!




Pour attirer les pélerins, certains commerces se munissent d'étampes pour inscrire le nom du village (et parfois de leur commerce) dans le livret de "credenziali"... ça peut rapidement devenir à la fois un jeu et une obsession: remplir son livret d'une étampe à chaque étape du parcours... mais j'ai rapidement abandonné... disons que le soir quand t'arrives à destination, t'as pas envie de faire le tour du village en quête d'une étampe...



Je pogne de quoi d'unique à Cappiano... ma carte m'indique que le chemin traverse le village et bifurque pour longer le canal, mais je ne vois pas de tracé très clair, juste un passage d'herbe piétinée... ça ne peut pas être ça? Mais les signes pointent dans cette direction et je m'y lance... j'ai alors une expérience divine de pélerin! avec ces grandes herbes m'arrivant aux genoux, ce canal à côté et ces champs à perte de vue, l'odeur de gazon humide, je me suis dis que je pourrais marcher sur un tel sentier pendant des mois, sans problèmes! Totalement magnifique et apaisant.
Parce que c'est un voyage épicurien, et que je mérite de prendre des forces, à Fucecchio je me bouffe un lunch de penne à la sauce tomate, accompagné d'un verre de vino bianco de la région... je vous dis pas à quel point c'était succulent! Le proprio me sert même un digestif, une grappa locale plus fruitée que l'originale. Mais faut pas trop en abuser...
Une version plus ancienne de panneaux de signalisation de la Via Francigena... toujours les bordures rouges, mais le blanc au centre a disparu depuis très longtemps
Une leçon qu'on devra suivre jusqu'à la fin de ce périple: c'est de garder un peu d'énergie pour les 2-3 kms restants. Comme pour San Miniato, beaucoup de villages se trouveront en haut d'une colline abrupte qui sera très ardue à escalader après une longue journée de marche. J'ai vu quelques marcheurs rager sur ces interminables chemins qui zig-zaguent pour atteindre le coeur du village, avec cette impression de ne jamais pouvoir y arriver.
VF 03 - San Miniato à Gambassi Terme La journée a commencé dans un épais brouillard. San Miniato étant au sommet d'une colline, elle avait la tête en plein dedans! et c'est en descendant graduellement que le soleil et une belle chaleur ont fait surface... une chaleur plutôt assomante je dois préciser, qui me faisait réaliser la chance (ou la bonne idée) de faire ce trajet au mois d'avril et non en juillet/août!



Le "hic" avec cette portion de la Via, c'est que pendant près de 24kms, il n'y pas de haltes ou de cafés et encore moins de resto pour se ravitailler. Il faut le savoir et prévenir le coup, en achetant à San Miniato toute la bouffe et l'eau dont on aura besoin pour la journée... Mais voilà qu'à mi-chemin, à Corazzano, un couple d'américains attend les pélerins, le coffre de leur voiture ouverte, avec tout ce qu'il faut pour boire et se faire des sandwichs!!! ils avaient fait la Via Francigena l'année précédente et se rappelaient avoir manqué de bouffe et d'eau pour rejoindre Gambassi, et comme ils étaient de retour en road trip dans la région cette année, ils ont eu l'idée de se créer une cantine mobile et fournir gratuitement le lunch aux marcheurs affamés.
J'en revenais pas! Quelle générosité!... en cette période où les américains n'ont plus trop la cote, ça faisait très plaisir à voir, et ça accrochait beaucoup de sourires aux pélerins de passage...
Plus tard, en fin de journée, alors que je sirote une bière à l'entrée de Gambassi, je fraternise avec un couple d'australiens et on se raconte notre journée. Je ramène la rencontre avec ce généreux couple d'américains..
"Ho yeah! that was weeeird!!" me dit l'australien.
Selon lui, ces floridiens avaient un "agenda", probablement religieux... ça commence par un sandwich, et ça finit par un verset de la bible... ou bien ils mettent quelque chose dans le salami pour te convertir au catholicisme.
Ça ne m'était pas du tout traversé l'esprit!! Suis-je un peu trop naïf? On peut pas être juste généreux sans demander quelque chose en retour?
On ne connaitra jamais la réponse, mais je continue de croire que c'était juste un beau geste!
Pour une bonne partie de l'après-midi, c'est de la beauté à perte de vue qui m'attend. Dans les mois qui suivront, les images de cet après-midi de rêve me hanteront souvent... la combinaison parfaite de tout ce que j'étais venu chercher ici: de l'espace, du silence, de la contemplation... et c'est parfois tellement immense qu'on ne peut s'empêcher d'enlever ses souliers et de s'écraser dans le gazon pendant une bonne heure, question d'absorber le maximum!
Ma chambre à Gambassi ne pouvait être plus idyllique! Spacieuse et avec une vue imprenable sur les collines toscanes! Mais j'en profiterai pas tant que ça, m'endormant très rapidement, comme à tous les soirs, pour me réveiller et repartir assez tôt le lendemain matin...
VF 04 - Gambassi Terme à San Gimignano
Gambassi Terme dort encore lorsque je quitte le village. Je me mets pourtant en route habituellement autour de 8h-9h, prenant le temps de déjeuner, de prendre un 2e café...
Comme pour chaque étape, c'est un passage parfois rapide qui nous empêche de visiter pleinement le village où on se trouve. On arrive le soir, brûlé, et on repart tôt le lendemain matin, full énergisé, excité de découvrir une nouvelle portion de la Via. Mais cette portion sera beaucoup plus courte, je compte donc prendre mon temps pour marcher, faire plusieurs arrêts, et profiter de ma soirée pour explorer San Gimignano!
L'image que je me faisais de la Toscane: au sommet d'une colline, une allée bordée de cyprès menant à une grosse propriété viticole!
Une pause au Monastero di Cellole
San Gimignano! La Manhattan de la Toscane, avec ses nombreuses tours bien rectilignes... à quoi servaient ces tours? Rien de moins que démontrer le pouvoir et l'influence des familles qui les ont construites... plus la tour est haute, plus t'es quelqu'un!... bref la version médiévale de "ma bizoune est plus grosse que la tienne!"
Mais hyper agréable de se promener dans ses ruelles bien préservées, malgré la manne de touristes!!... ou peut-être que c'est juste moi qui ne suis plus habitué de voir du monde!
Encore une fois, j'ai une superbe chambre avec une hallucinante vue sur les toits et les collines de la Toscane!... plutôt que de me chercher un resto ce soir, je décide d'aller à l'épicerie et de manger mon snack devant ma fenêtre.
Je sors quand même plus tard pour voir le soleil se coucher sur les collines, et profiter de San Gimignano un peu moins débordant de touristes!
VF 05 - San Gimignano à Monteriggioni

Comme je disais, peu importe la fatigue et la distance parcourue la veille, le lendemain matin, l'énergie et l'enthousiasme sont toujours au rendez-vous. Je n'ai aucune idée de ce qui m'attend, quel type de décor ou de dénivelé, je connais seulement la distance en kilomètres vers la prochaine étape et le nombre de villages en chemin pour me ravitailler, ce qui m'empêche d'alourdir mon sac encore plus.
Aujourd'hui, un gros programme: 30,5 km très accidenté!
Je prends quand même le temps de déjeuner, de prendre un 2e café, avant de me lancer vers 8h-9h... Ce matin, à San Gimignano, je me suis levé tôt et j'attendais qu'un resto soit ouvert, ce qui me laissait du temps pour marcher à travers le ville déserte pas encore envahie par les touristes... mon côté "sauvage" a énormément de plaisir à avoir la ville pour lui tout seul! En plus, il y a quelque chose d'unique dans la lumière du matin et cette petite brume entre les collines!




Pour une bonne partie du trajet en matinée, je semblais toujours avoir San Gimignano pas très loin qui m'observait... ou bien je tournais en rond autour de la colline? En fait, pour la première (et seule) fois de mon périple, je me suis écarté accidentellement du sentier, et j'ai marché pendant 2km dans la mauvaise direction... c'est lorsque je voyais San Gimignano se rapprocher que je me suis demandé ce qui se passait!... Le chemin est pourtant toujours bien balisé, mais je devais regarder en l'air, encore une fois!... une seconde d'inattention: 30 minutes de perdues! (En fait, j'ai pris une branche de la Via Francigena réservée aux pélerins... à cheval! C'est un camino très différent mais les indications sont de la même couleur)
Pause-lunch à Colle di Val d'Elsa, que je traverse rapidement en ayant Monteriggioni en tête, qui est encore bien loin... je préfère continuer à marcher pendant que j'ai toujours de l'énergie!
Un parcours inattendu en sortant de Colle di Val d'Elsa: Le Parco Fluviale dell'Elsa. On enjambe ou on suit pendant 4 km cette rivière turquoise et embrouillée (à cause de la présence d'algues), que je ne m'attendais pas à trouver en Toscane... ça me rappelle plutôt Kuang Si Waterfalls au Laos. Encore une fois, je presse le pas, obsédé par la destination, mais je serais bien arrêté faire une pause-baignade ici! 



Des longues distances comme celles d'aujourd'hui a un impact sur mes jambes. Elles tiennent le coup, mais je les sens plus faibles. En plus de la distance, je réalise que je marche rapidement, que je m'arrête pas assez souvent et, surtout, que mon foutu sac est beaucoup trop lourd... erreur de débutant... j'ai apporté trop de choses, trop de vêtements surtout, et j'aurais pu faire un tri plus strict de chaque petit objet que je transporte et dont je me servirai si peu... Car en y ajoutant un peu de bouffe, et une bouteille d'eau de 1.5 litre, le poids de mon sac doit monter à 13-14 kg, ce qui est le double de ce que je devrais porter. Mais bon, je ne connaissais pas le climat, donc j'ai apporté trop de choses en cas de grand froid ou de grande chaleur. Et je portais aussi beaucoup de choses (pansements, savon, dentifrice, etc) que j'aurais pu aisément retrouver en chemin, dans les villages, en cas de besoin. C'est le réflexe de chercher à être totalement autonome, comme si j'allais marcher dans le désert pendant 3 semaines!
Mais on apprend! C'est clair que le poids sera une obsession lors de mon prochain pélerinage!
Plusieurs pélerins croisés aujourd'hui me disaient qu'ils avaient choisi l'Ostello Contessa Ava dei Lambardi pour passer la nuit, situé à 5 km avant d'atteindre le village fortifié de Monteriggioni. Je ne suis toujours pas un fan des dortoirs, mais celui-ci aurait été un bon choix peu coûteux, parce que la chambre que j'ai louée à l'intérieur des murs du village était la plus chère de tout mon trajet... Mais je trouvais que ça valait la peine, non seulement pour le luxe d'un grand lit et d'une douche privée, mais aussi pour vivre l'expérience d'une nuit dans un village médiéval... sans compter que les propriétaires possèdent aussi un restaurant où une dégustation de vins locaux était offert!
VF 06 - Monteriggioni à Siena
Une belle et confortable nuit dans cette autre chambre de luxe! La boite du petit-déjeuner était accrochée à ma poignée de porte, et j'aurais pu faire la grasse matinée si j'avais voulu... ou encore à profiter de cette belle petite ville fortifiée!
Mais Siena m'attendait à la fin de la journée, et après une nuit de pluie, je me suis mis en marche, toujours énergisé!
Cette fois-ci, la pluie m'est tombée dessus pour vrai! Heureusement, c'était à l'approche de Siena, j'ai marché les 5 derniers kilomètres dans la flotte et je suis arrivé un peu trempé à mon hôtel.
J'allais avoir le temps de sécher puisque je m'étais donné la journée suivante de congé. En profiter pour trainer dans cette superbe ville, mais la pluie n'a pas cessé non plus pendant ma journée de repos, alors j'ai tenté de rester la plupart du temps à l'abri, préférant nettement de me retrouver ici plutôt que d'être sur la Via, trempé et les pieds dans la boue!
La journée suivante fut une journée de congé. Amplement méritée après 6 jours de marche consécutifs!
Dans la salle à déjeuner de l'hôtel, je croise le duo père-fille hollandais que je salue une dernière fois, car si je moi je reste une journée de plus à Siena, eux poursuivront leur chemin et on ne se recroisera plus. Nous aurons très souvent eu l'occasion de placoter, en chemin ou à destination, et j'ai bien apprécié leur énergie, leur vitalité et l'incroyable enthousiasme de Mike, le père, alors que Daniela souffrait le calvaire avec des ampoules aux pieds grosses comme des 2$... elle sera d'ailleurs toute fière de me montrer ses nouveaux espadrilles, achetés la veille dans une boutique sport de Siena!
Plusieurs marcheurs décident de faire "seulement" la portion Lucca-Siena... pour un 6 jours d'une beauté garantie et inouïe. Un court voyage qui fait du sens pour les européens qui n'ont qu'à prendre une semaine de congé pour goûter à la Toscane, située à 1-2h de vol direct de chez eux, pour être de retour le dimanche suivant à la maison. Quelle chance quand même! J'aurai donc côtoyé les mêmes personnes toute la semaine. Même si chacun faisait le camino à son rythme, on se retrouvait souvent dans un café à mi-chemin, le soir sur une terrasse, ou partageant le même hôtel. Ça nous donnait l'occasion de placoter, d'échanger sur nos expériences de la journée, sur nos coups de coeur, nos défis... Quand tu voyages seul, ces moments ont une valeur, et c'est facile de développer un lien spécial avec chacune de ces personnes toujours en mesure de comprendre précisément ce qu'on vient de vivre. En plus du duo néerlandais, Mari, l'estonienne, retourne dans son pays. Je pensais avoir manqué l'occasion de faire mes adieux à Tanä, une suissesse pimpante de 30 ans. Mais alors que je me trouvais dans une buanderie le soir à Siena, on se voit à travers la vitre alors qu'elle marchait sur le trottoir et on se fait un "big hug" comme si on était les meilleurs amis du monde.
Chacun part dans une direction différente, mais on se sent tous privilégiés et reconnaissants d'avoir pu se côtoyer pendant une si courte et mémorable période!
Ça faisait bizarre de me lever sans me lancer aussitôt sur la Via, je suis resté à me promener dans Siena, la plupart du temps sous la pluie, ce qui me semblait mieux que d'être sur les sentiers. J'avais quelques souvenirs flous de mon passage ici 12 ans plus tôt... mais mis à part la grande place principale (La Piazza del Campo), je redécouvrais tout.
VF 07 - Siena à Buonconvento
Une autre journée qu'on annonçait pluvieuse, même orageuse. Même si j'avais l'équipement adéquat, je me croisais les doigts pour ne pas que ça dure trop longtemps... en fait, dès les premiers pas, malgré le sol encore mouillé des averses de la nuit précédente, je n'ai pas été du tout inquiété!!... des gros nuages menaçants, mais qui me passaient au-dessus de la tête pour aller exploser ailleurs. Quelques timides éclaircies, puis le soleil s'est pointé en milieu d'après-midi jusqu'au soir. Parfait!
Par contre, à cause des sérieuses précipitations des derniers jours, les sentiers étaient souvent très vaseux... je n'ai pas pris de photos de la pire portion, trop occupé que j'étais à ne pas glisser ou m'enfoncer à chaque pas... Mes espadrilles ne se sont jamais vraiment remis de ce bain de boue.
Par endroits, le soleil se fraie un chemin à travers les épais nuages, et le contraste est saisissant. La lumière projetée sur les plaines est d'une grande clareté et je reste longtemps à admirer le spectacle!
Le beau temps est enfin revenu, à l'approche de Ponte d'Arbia!
Le trajet fut plus long de 5-6 kms, parce que j'avais réservé, sans m'en rendre compte, une chambre dans la ville située au-delà de l'étape prévue. Pas une si grande distance, mais qui crée quand même une surprise amère quand on pense être arrivé à destination, mais qu'il nous reste 1h30 de plus de marche... On se console en se disant que ce sera 5-6 kms de moins à faire demain!
Et en fait, Buonconvento est un superbe village médiéval où il est très agréable de trainer un peu en soirée sur une terrasse!

VF 08 - Buonconvento à San Quirico d'Orcia
Toujours ce léger brouillard tôt le matin, ce qui donne un break de chaleur car le soleil peut être assez robuste, même en matinée.
Après une solide montée, je fais un arrêt dans la cour du Castello Tricerchi, site du vignoble du même nom. Trop tôt encore pour prendre un verre, l'endroit est désert et je profite pour relaxer! La région de Montalcino est très réputée pour la qualité de ses vins, surtout pour son excellent Brunello!
Cette fois-ci je me laisse tenter, le vignoble Caparzo offre aux marcheurs un combo sandwich + verre de vino, trop alléchant pour résister! Je m'asseois dehors à siroter mon verre de Brunello, me disant que chaque journée devrait être comme ça... (mais pas plus qu'un verre quand on a encore 15 km de marche à faire!)
Quelques mois plus tard, je retrouverai à la SAQ une bouteille du même vignoble (mais année et cépage différents)... un ptit moment de nostalgie!
La route jusqu'à Torrenieri est sensationnelle... parmi les plus beaux panoramas de la Via selon moi. Un immense tapis de verdure, à 360 degrés, que mes photos ne réussissent malheureusement pas à saisir.
L'approche de San Quirico d'Orcia, toujours en pente, est très ardu! Mais toujours aussi bucolique. Je me rends directement à ma chambre, tenue par une mamie qui a transformé sa maison en B&B, l'Antica Sosta, puis je profite de mes derniers élans d'énergie pour aller explorer le village!
L'église romane Collegiata dei Santi Quirico e Giulitta
Porte d'accès au Horti Leonini, un charmant jardin du XVIe siècle.
Piazza della Libertà
À l'heure du souper, je suis assis tranquille sur la Piazza della Libertà, savourant un 2e Spritz Toscano (comme un Aperol Spritz, mais dans lequel on a ajouté du vermouth), quand une grand-mère allemande et son petit fils me demandent s'ils peuvent s'asseoir avec moi. J'avais croisé le kid sur la Via quelques heures plus tôt, alors que la mamie avait préféré faire la trajet en autobus. Ils ne font tous deux qu'une courte portion de la Via, mélangeant marche, visite de vignobles et spa... comique de voir ce duo grand-mère/petit-fils faire ensemble un voyage épicurien! Puis se joint à nous un jeune dutch venu passer une semaine de vacances dans la région... je leur dis à quel point je les trouve chanceux de vivre en Europe, d'être si proche de toute la beauté du continent, un simple vol d'avion de 90 minutes et on se retrouve dans un autre monde!
Bref, un petit groupe bien hétéroclyte, pour une soirée inattendue. Mon côté sauvage choisirais toujours de rester à l'écart et d'observer plutôt que de m'intégrer, mais ce fut très agréable d'échanger sur nos vies et nos expériences autour d'une bonne pizza quattro formaggi!
VF 09 - San Quirico d'Orcia à Gallina
Encore une fois ce matin, je suis chanceux. La pluie était tombée pendant la nuit et malgré un ciel bas et menaçant presque toute la journée, je n'ai pas été trop incommodé. Une petite bruine intermittente qui me demande de mettre/enlever mon imperméable plusieurs fois... et puis ce beau contraste permet de prendre des pas pires photos!
Premier arrêt au microscopique hameau médiéval de Vignoni Alto... petit lieu paisible avec sa minuscule église d'où émanent des chants grégoriens en permanence...
Bagno Vignoni, reconnu comme centre de cure thermale depuis l'époque romaine
Encore et toujours, très très peu de monde sur les trails! À mon plus grand plaisir! J'aurai l'occasion de jaser avec certains autres marcheurs expérimentés, habitués à ces longues distances sur les chemins de Compostelle, entre autres, et qui me diront que la Via Francigena est la plus belle et la moins achalandée de toutes! Ils me parlent du chemin Camino Frances au nord de l'Espagne, qui est devenu presqu'un boulevard, où les gens se suivent en file, où il y a toujours quelque devant et derrière toi... je détesterais ça à mourir! Les quelques rares marcheurs que je vois sont les mêmes depuis le début, à Lucca, et on respecte tous notre besoin d'espace, de solitude et de silence... tout le monde semble être ici pour les mêmes raisons... on se dira "salut!" puis on prendra vite nos distances... je suis content de voir que je ne suis pas le seul marcheur "sauvage"!






J'avais prévu depuis la veille couper le chemin en deux. 34 kms me semblait un peu excessif, et comme je ne suis pas pressé, j'ai décidé de me prendre une chambre à mi-chemin, à Gallina... avec toutes ces montées et descentes, sur des sentiers parfois boueux, je ne me serais pas vu faire un 18 km additionnel pour rejoindre Radicofani. Et puis j'aime cette possibilité de prendre mon temps, m'arrêter souvent, me rappelant que c'est avant tout un voyage contemplatif et non un marathon!
Pas grand-chose à faire ni à voir à Gallina, qui profite justement de sa position pour recevoir beaucoup de pélerins désireux de couper le trajet en deux. J'aurai un bel appartement pour la nuit, j'écouterai un film sur Netflix après m'être commandé de la bouffe au resto d'à côté. La propriétaire me dit de ne pas laisser mes souliers dehors parce qu'ils se font régulièrement voler par des renards!
VF 10 - Gallina à Radicofani
Frais comme une rose, en ce vendredi saint. Je m'attendais à des démonstrations religieuses plus marquées, surtout dans ce pays très catholique, mais j'aurais pu passer la journée sans savoir que Pâques approchait.
Le temps reste nuageux, mais le soleil persiste, et réussit à repousser la pluie. Ça n'empêche pas les sentiers d'être plutôt boueux et mouillés par endroits, et certains cours d'eau sont tellement hauts et débordants qu'ils recouvrent le chemin, et je dois enlever mes souliers pour traverser nu-pieds. Je croise un couple d'asiatiques venant en sens inverse qui me dit que le sentier est infranchissable à cause des crues, que je dois contourner en passant par la route, etc... pfff... c'est pas une rivière un peu haute qui m'arrêtera! En fait, je reste même plus longtemps les pieds dans l'eau à apprécier la fraicheur, ça n'en prendrait pas tellement plus pour que je me baigne!



À un moment, un chemin "alternatif" est proposé, réputé très difficile, qui mène tout en haut à l'Abbadia San Salvatore, près du village de Campiglia d'Orcia... je réfléchis, mais je m'en tiens finalement au camino "officiel" qui longe la vallée et le Torrente Formone, déjà suffisamment exigeant pour mes petites pattes.
Radicofani! Une bonne grimpe sur chemin vaseux pour l'atteindre... je me serais cru revenir 500 ans en arrière, en fait j'aime croire que je goûte parfois au feeling vécu par les premiers pélerins de l'ère médiévale quand je me retrouve dans des régions complètement désertes, aux chemins à peine esquissés. À différence près que je termine chaque journée dans un bon lit douillet... après une douche, une pizza et une couple de verres de chianti!
Le village est tranquille et presque désert, toujours aussi étonnant en cette journée fériée... je m'attendais à ce que les italiens sortent et aillent visiter les plus beaux sites de leur région... peut-être que le temps incertain en a découragé plus d'un.
Je me retrouve encore une fois dans un superbe appartement, une grande chambre avec vue sur les montagnes... un logement que je partage avec un couple de suisses dans la mi-soixantaine faisant la traversée est-ouest de l'Italie en vélo. Comme on a accès à une cuisine, ils m'invitent à partager leur souper. Annette propose des pâtes-sauce tomate, et Christian ira chercher un morceau d'agneau à la macelleria d'à côté, qu'il nous servira avec des épinards... (j'irai chercher une bonne bouteille de chianti au resto de la piazza centrale)
On passe un très belle soirée à jaser d'un paquet de trucs... passant de leur très inspirante épopée en vélo, à l'efficacité des sites de rencontres (ils se sont trouvés sur Tinder il y a 3 ans!)
Je dis que je souhaite la solitude et la tranquilité sur le sentier, c'est toujours vrai, mais j'apprécie énormément les rencontres de fins de journées où, assis devant une bonne table, j'échange avec des gens qui ont des vies souvent très différentes de la mienne, mais avec qui je partage ce goût de la découverte et de l'aventure, et cet amour inconditionnel pour les bonnes et belles choses que l'Italie a à offrir!
Un peu avant le souper, je recroiserai un duo d'américaines rencontrées plus tôt sur le camino (toujours cette étrange vibe quand je dis aux américains que je suis canadien... "we're the good ones" qu'ils précisent toujours, en réaction à l'acharnement tarifaire de Trump envers le Canada)... elles me parlent de leur traversée de l'Angleterre, l'année précédente, suivant la frontière avec l'Écosse... c'est hyper inspirant, d'autant plus que Paul (un canadien que je croise régulièrement aussi) m'a dit avoir fait le même parcours il y a quelques années et était totalement enchanté... et chose étonnante: la température n'est pas aussi pluvieuse qu'on peut le penser.
Je pensais rayer mon expérience sur la Via Francigena de ma bucket list, mais vla-tu pas qu'il se rajoute encore des choses à faire! On n'en finit pas!
VF 11 - Radicofani à Acquapendente
J'aurais voulu prendre une belle dernière photo de Radicofani, s'élevant en plein milieu des plaines et des collines verdoyantes, mais son sommet dans un nuage, je n'aurai pas la vue d'ensemble que j'aurais souhaitée... par contre, je verrai le village au loin pendant les trois prochaines journées, comme si on le contournait à défaut de s'en éloigner!
Et encore cette fois-ci, une journée de marche merveilleuse. Très zen et bucolique. Diversifiée aussi par sa morphologie. Tellement de paysages différents qu'à la fin de la journée, on a l'impression d'avoir traversé plusieurs pays.
Et toujours, toujours, cette intense solitude et ce silence dont je ne me tanne pas. Je dépasse Julia à un certain moment, qui se trouvait en mode contemplatif devant un des nombreux paysages à couper le souffle. J'ai continué mon chemin sans faire de bruit pour ne pas la sortir de ses rêves.

Je quitte la Toscane pour entrer dans la région du Lazio!
On peut dire que je l'aurai bien explorée, la Toscane! Pas de meilleur moyen que la marche selon moi, les deux pieds dans la poussière ou la vase, j'aurai dégoûté de sueur sur ses sentiers, je me serai évaché dans l'herbe de ses champs, assis sur son gravier, j'aurai senti sa nature printanière, son humidité et sa chaleur caniculaire, je me serai fait piquer par les insectes et grafigner les jambes dans ses buissons... bref, immersion physique complète!
Tout de suite à l'entrée du Lazio, après le village de Centano, la marche la plus "dangereuse" de la Via Francigena... on se retrouve directement dans la rue, sur la Via Cassia, sans terre-plein ou trottoir, avec les voitures qui te frôlent à toute vitesse. Pas cool du tout. Plusieurs pélerins choisissent de prendre l'autobus pour rejoindre Acquapendente plutôt que de risquer leur vie ici, et je les comprends.
Tout en haut de sa colline, Acquapendente nous accueille assez modestement, par une petite route de terre et une porte de la citadelle qui ne semble pas très fréquentée... mais j'adore ça, l'impression que l'endroit est oublié et que je suis le premier étranger à y entrer!
Et en fait, même à l'intérieur de ses murs c'est plutôt calme en ce milieu d'après-midi sur la Via Roma... un autre village endormi!
Bon, une autre chambre avec une superbe vue!!
Je devrais faire un post uniquement dédié aux belles photos prises de ma chambre!
Elle est minuscule comme une chambre d'hôpital, mais je ne suis pas regardant et je fais une sieste tout de suite à mon arrivée, après avoir lavé à la main quelques t-shirts qui en avaient besoin... Je profite de la corde à linge au pied de ma fenêtre, mais un coup de vent emporte un de mes t-shirts et je dois en faire mon deuil... je me réconforte en me disant que mon foutu sac à dos en sera déjà un peu plus léger (à peine!)
VF 12 - Acquapendente à Bolsena
Le matin commence par des champs, un sentier très plat, et le soleil semble enfin être revenu pour de bon! Et le soleil de 8h du matin, c'est le meilleur! Une petite brise se faisait sentir à l'approche de midi, ça me rappelait vaguement les immenses champs qu'on retrouve en Montérégie et au Centre-du-Québec, que j'aime traverser en bicycle pendant l'été.


à l'approche du prochain village, San Lorenzo Nuovo, où je m'arrête en terrasse pour un café en ce dimanche de Pâques, on voit au loin le lac de Bolsena, comme un mer, et l'étrange sentiment d'être arrivé au sud, d'avoir atteint l'extrémité de l'Italie... mais ce n'est pas la Méditerranée, même si le lac est un des plus grands d'Italie (et le plus grand lac volcanique d'Europe)
Puis on se retrouve rapidement sur un sentier étrangement esquissé, comme si peu de gens y passaient... c'est clair que ce n'est pas la Via Francigena "originale", celle de Aldéric en l'an 1000, et en fait, on ignore tout du chemin exact puisque Aldéric avait décrit les villes-étapes, et non le trajet pour les relier... et comme la Via était une route très parcourue pour faire du commerce, je doute qu'un petit sentier étroit et accidenté soit l'aboutissement de milliers d'années d'allées et venues d'hommes et de chariots.
Le chemin traverse ensuite une zone fraichement déboisée, qui a l'avantage d'offrir un panorama intéressant (et une chaleur aussi plutôt suffocante, par l'absence d'ombre)
Toujours dans la bonne direction... alors, ça va!
Arrivée à la magnifique ville de Bolsena, surprenante citadelle médiévale aux mille recoins et ruelles.
À ce moment, je sens un peu la fatigue dans mes jambes... après 6 jours de marche consécutifs, je me dis qu'il aurait été sage de prendre une pause d'une journée, et Bolsena aurait été le lieu parfait. C'est une ville de bonne dimension, avec plusieurs restos et terrasses où je me serais bien venu trainer une journée entière!
J'ai fait l'erreur (qui n'en est pas vraiment une), de réserver à l'avance mes chambres d'hôtels pour les plusieurs jours à venir, laissant ainsi peu de place à l'improvisation entre Siena et Sutri. J'avais une certain crainte de trouver peu de chambres intéressantes, ou d'avoir à prendre celles qui sont plus chères, et comme je ne suis pas un fan des dortoirs, je cherche à les éviter en réservant les chambres simples les moins dispendieuses.
À ce sujet, je me suis bien payé la traite depuis le début de mon voyage, en quittant Paris... j'ai évité les auberges de jeunesse, parfois à coûts plutôt élevés, et je dirais que le logement compte pour environ 60% de l'ensemble des dépenses de ce voyage. Ça aurait été sage de choisir les dortoirs et de vivre l'expérience comme un véritable pélerin, mais maudit que ça me tentait pas plus que ça... j'adore le luxe d'abord d'arriver et de pouvoir faire une sieste dans le silence, puis de rentrer tôt, m'allonger dans mon lit pour lire pendant une heure avant de m'endormir, sans déranger, et être dérangé par personne!
Le pélerin moyen rencontré sur le chemin me semble hyper respectueux et poli, mais ça ne compte pas pour les ronflements, l'hygiène, et les habitudes générales de vie (comme arriver tard et partir très tôt)
En soirée, je marche jusqu'au Lago Bolsena sur le bord duquel se tient un genre de marché aux puces... beaucoup de vie et d'activité, et ça permet de voir le soleil se coucher sur le lac immense, encore une vue surprenant à laquelle je ne m'attendais pas.
VF 13 - Bolsena à Montefiascone
Je recroise Paul le soir, à Montefiascone, et pour résumer la journée, on s'est mis d'accord sur le mot "uneventful"... une belle ride, mais sans trop de "wow". Et je m'en rends compte par le faible nombre de photos prises depuis le matin. Peu de panoramas, un sentier très souvent au milieu d'un boisé dense, qui pousse à l'introspection plutôt qu'à la contemplation... quelques clairières permettent de voir à nouveau le lac de Bolsena, puis on arrive à Montefiascone.
MAIS... le pape est mort cette nuit! Ce qui me fait réfléchir sur la suite des choses. Je crains tellement les foules maintenant que ça me tente pas du tout d'affronter celle des funérailles puis du conclave. Et comme les hôtels intéressants et abordables se font plutôt rares dans les deux dernières étapes du camino, je me demande si je ne devrais pas terminer mon périple plus tôt, à Sutri… je n'ai pas d'obligation de poursuivre jusqu'à Rome... alors je réfléchis.

Je vois la mention "est! est! est!" à quelques endroits dès mon entrée dans la ville, ainsi que sur l'étiquette de certaines bouteilles de vin, et je me demande bien ce que ça peut être... je fais mes recherches!
En l'an 1111, un évêque allemand, fan fini de vin, doit se rendre à Rome. Il est accompagné de son sommelier personnel (parce que, pourquoi pas?) qui le précède dans ses déplacements vers Rome avec comme mission de trouver les meilleurs vins de chaque endroit où l'évêque compte s'arrêter. Le sommelier écrit alors "est" (pour "est bonum", ou "c'est bon!") sur la porte de l'auberge qui offre un vin digne de mention... mais si le vin est spécialement bon, le sommelier écrira "est! est!"... et si le vin est à tomber sur le cul, il dira "est! est! est!", ce qui arriva lors de son passage à Montefiascone, qui garda la réputation de produire les meilleurs vins qui soient, et "est! est! est!" deviendra une appelation d'origine contrôlée, propre aux vins de la région de Montefiascone.
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Ici je profite un peu plus de ma superbe chambre d'hôtel, en plein coeur du vieux quartier... étant un peu trop fatigué pour en faire le tour, je me contente d'aller faire un arrêt à la buanderie pour un lavage en bonne et due forme... c'est bien de laver son linge à la main, mais parfois on a besoin d'un vrai traitement-choc! J'irai manger une pizza sur la place centrale avant de regarder un film dans ma chambre (pendant pas très longtemps)
VF 14 - Montefiascone à Viterbo
C'est le matin à mon départ de Montefiascone que je saisis l'occasion pour visiter la ville. Ce serait un peu ridicule d'être ici sans avoir rien vu, même pas un brin du vieux quartier historique! Et je dois dire que le panorama de son plus haut point est assez sensationnel, toujours avec le lac Bolsena à proximité

La marche devient rapidement très bucolique, avec ses immenses champs fleuris multicolores... mais l'écran de mon cellulaire étant un peu embué, la majorité des photos sont sorties un peu floues ou embrouillées


Une autre portion de Via millénaire! Incroyable de penser aux millions de personnes qui ont marché ici depuis l'antiquité, et ça tient toujours!
Arrivé à Viterbo, qui a le plus vaste centre historique médiéval en Europe, entouré de murs du XIe siècle, et qui servit de résidence à plusieurs papes au XIIIe siècle fuyant les violences à Rome... ici aussi, je me serais bien arrêté pour une nuit de plus!
Je remarque que plusieurs pélerins n'ont que 7 jours de congé pour venir marcher sur la Via, et n'en feront qu'une petite partie. Les portions populaires sont Lucca-Siena... Siena-Viterbo... et Viterbo-Vatican qui prennent chacune une semaine à parcourir. Je fais donc mes adieux à Paul, qui retourne à Toronto, et je rencontrerai plusieurs nouveaux visages à partir de demain.
VF 15 - Viterbo à Vetralla
Quittant mon hôtel (le "Nazareth Residence", qui semble se trouver dans un vieux couvent), après une nuit agitée... était-ce le chocolat ingurgité avant de me coucher, ou le bruit des voisins dans la chambre d'à côté? Je fixe le dégât créé par la petite bouteille de savon à linge qui s'est ouverte dans mon sac et je me mets en route... marchant dans Viterbo, jusqu'à la Porta Fiorentina, aux limites de la ville, je me dis que je reconnais cet endroit... c'est en effet par là que je suis rentré dans Viterbo la veille. Je suis donc en train de marcher dans la mauvaise direction, la carte sur mon cellulaire étant à l'envers!! ... une des rares fois où mon super sens de l'orientation a fait défaut... décidément, étrange début de journée!
Une belle montée, étonnament dénuée de trafic, menant à un cul-de-sac d'où continue le camino à travers la forêt, sur un sentier très étroit.



Pendant une bonne période, je traverse une zone déboisée. L'absence d'ombre accentuant la chaleur déjà forte en cette belle matinée.
J'arrive au joli village de San Martino al Cimino où je retrouve le groupe de trois marcheurs français qui ont débuté leur marche à Siena. L'homme du groupe, Jean-Yves, me dit avoir parcouru le même chemin l'année dernière (ayant même écrit un livre sur son expérience) et a décidé d'y retourner cette année en amenant sa femme et une amie de sa femme. Je suis très étonné qu'on veuille faire le même camino deux années de suite, sachant qu'on trouve des centaines de sentiers fabuleux à travers toute l'Europe. (Mais je comprendrai à mon arrivée à Rome l'effet unique que la Via Francigena peut avoir sur le mental des pélerins...)
La femme de Jean-Yves sera, à chacune de nos rencontres, sous le charme de mon accent... "Qu'est-ce que j'aime l'accent québécois!!"... ou "J'adore tellement votre accent!"
D'autres marcheurs que je n'avais jamais vus (et que je ne reverrai plus) se pointent à l'entrée du village pour se rendre à l'église du village où je les trouverai tous à genoux devant l'autel, chantant des cantiques en choeur, toujours avec leur sac sur le dos.
Très charmante et facile marche à la sortie de San Martino, ... chemins plats, champs d'oliviers paisibles et forêt dense qui me rappelle un peu nos forêts québécoises. Je m'y sens chez moi!

Le ciel s'obscurit et gronde fortement à l'approche de Vetralla, mais comme la veille à l'approche de Viterbo, ce sera une fausse alerte... le "danger" ne fait que passer sans faire tomber une seule goutte.
J'arrête à la chiesa di Santa Maria, presqu'à l'entrée de Vetralla, une étonnante église millénaire ayant connu jadis des longues années de gloire, étant à l'époque un arrêt obligé sur le chemin de Rome, avec auberges, écuries, termes... un véritable resort pour les voyageurs fatigués... de magnifiques fresques du Xe siècles ont été mises à jour et restaurées à l'intérieur de l'église, que me fait visiter une charmante petite dame. Son italien est facile à comprendre et les explications sont intéressantes. Ça se termine dans une petite dépendance juste à côté où on m'offre un morceau de gâteau et un verre de blanc de Montefiascone.
Dans mon carnet:
une belle chambre, mais dans un village que je trouve d'une très grande tristesse, gris, mal entretenu, sans intérêts majeurs. Je vais à l'épicerie la plus proche, aucun restaurant ne me parle vraiment, et je mange un petit souper devant la télé, pitonnant en continue pour trouver quelque chose d'intéressant.... je suis donc au lit assez tôt, et j'espère trouver le sommeil rapidement, malgré les muscles de mes jambes qui palpitent inconfortablement...
Je change encore d'idée par rapport à ma destination finale, je veux me rendre à Rome, peu importe le bordel des funérailles du pape, ou le conclave qui suivra... j'aime l'idée de terminer ce camino comme il se doit: sur la Place St-Pierre au Vatican... je pourrai me dire alors "mission accomplie!"
VF 16 - Vetralla à Sutri
Ce que j'ai préféré de Vetralla, c'est d'en partir... j'ai eu cette pensée ce matin, alors que je quittais les limites de la ville. Mais bon, je ne devrais pas dire ça, j'en ai fait une visite très rapide et sommaire, mais ce que j'ai vu ne m'a pas donné envie d'en voir plus!
Rapidement, le lendemain matin, on se retrouve dans un immense parc à travers lequel la Via serpente pour s'enfoncer à nouveau sur des sentier déserts...
Soudainement, une voiture s'arrête tout près de moi sur le chemin de terre. La dame me demande si je vais à Rome, ce qui semble plutôt évident puisque la Via Francigena s'y termine.
"Vous y allez maintenant?" qu'elle me demande.
"Euh oui, enfin, j'y serai dans 3-4 jours si tout va bien!"
"Mais il sera trop tard! vous devez y aller maintenant!! Mon mari et moi venons d'aller faire la file pour voir la dépouille du pape... Nous avons attendu 6h... c'était magnifique!"
Les larmes aux yeux, elle me donne une photo du pape,
"Prenez le train et allez-y maintenant! Vous reviendrez terminer votre marche après!"
"ok! ok! je vais faire ça... je vais me dépêcher!" que je réponds. Tu veux pas t'obstiner avec une fervente catholique à quelques jours des funérailles d'un pape!
Elle est repartie et, bien sûr, j'ai continué ma route. Le pape comprendra!
Passage et arrêt à Capranica, à mi-chemin sur la route de Sutri. On entre dans la citadelle par la porte du Castello degli Anguillara, sous la Torre del Orologio






Ma journée de congé!
Je prends mon 2e déjeuner sur la Piazza del Commune. Celui de mon hôtel, l'Albergo Sutrium, était alimentaire et peu satisfaisant, mais m'a permis de croiser un couple de québécois en vélo, faisant une virée européenne en camping pendant 60 jours! Ils ont préféré arrêter dans un hôtel la nuit dernière étant donné la pluie qui a commencé à tomber en soirée, et ils ont quitté plutôt rapidement avant que je puisse leur poser un tas de questions sur leur périple. Maintenant que je me suis prouvé que je pouvais marcher pendant 3 semaines, pourquoi ne pas vérifier si je peux rouler en vélo pendant une bonne période en Europe? (un autre ajout à ma bucket list!)
Je vois aussi pour une dernière fois le trio de français, à qui je sers d'interprète avec la propriétaire de notre hôtel, ils cherchaient des recommandations d'auberges à la prochaine étape et ne réussissaient pas à trouver une seule place. Il semble que les funérailles du pape aient contribué à remplir toutes les chambres dans les kilomètres à la ronde.
Mais avec chance, j'ai pu réserver à l'avance une chambre pour le lendemain soir, ainsi que le soir suivant, derniers arrêts avant le Vatican.
Les touristes partis, la piazza se remplit de ses habitants, et je trouve étrange de ne pas me retrouver sur les sentiers, surtout que je me sens en forme ce matin! Mais je ne donnerai pas de break à mes jambes en cette journée de congé, je ferai le tour du village plusieurs fois (mais au moins avec plusieurs kg en moins sur les épaules!)
Des tombeaux étrusques, ainsi qu'un amphithéâtre romain (ci-dessous) entièrement taillé dans la roche. (Ils sont fous ces romains!)
Une très bonne vibe de journée de congé, qui tombe le jour de la libération de l'Italie (libération du fachisme à la fin de la 2e guerre mondiale)! Du soleil, de la chaleur, des sourires partout, après avoir fait le tour du petit marché aux puces aux pieds de la ville, je remonte la Via 4 Novembre et une fanfare descend au même moment, suivie d'un petit groupe de gens importants, dont le maire (avec le drapeau italien en bandoulière) et quelques dignitaires, ainsi que le curé de la paroisse. Ça peut difficilement être plus italien que ça!
Je me retrouve à nouveau sur la Piazza Del Comune et c'est le retour de la fanfare qui s'arrête devant la Porta con l'Orologio, où quelques militaires accrochent des couronnes de fleurs, suivi d'un long discours du maire. La Piazza est pleine mais je me trouve un spot sur la terrasse du Caffè-bar Tonetti Lucia, question de profiter des festivités devant un bon verre de vino bianco!
VF 17 - Sutri à Campagnano di Roma
Après une journée de congé, j'ai vraiment hâte de me remettre en marche! C'est fou comment ça peut être addictif. J'avais tendance à me moquer un peu des coureurs qui pensent au prochain marathon, un peu comme avoir hâte à la prochaine session de torture, mais il y a clairement une solide dose de dopamine qui émerge de l'effort physique constant et répété. Le corps se trouve dans un momentum où il semble chercher à forcer et à suer, ce qui se traduit mentalement par une grande satisfaction! J'expliquais cet état aussi, en partie, par l'envie de découvrir et d'explorer des nouvelle régions, cette anticipation d'être devant d'autres paysages grandioses... ça me semble suffisant pour se redonner de l'énergie et rembarquer sur la Via!
Les premiers kilomètres à la sortie de mon hôtel sont un peu stressants. Pas de sentier et pas non plus d'espace sur le bord de la route pour marcher. J'avance sur une rue à plusieurs virages et je dois penser aux voitures qui arrivent à toute vitesse… encore une fois, il faudrait faire pression sur les élus pour qu'un chemin sécuritaire soit mis en place, parce que là, on attend juste qu'un accident fasse bouger les choses.


Heureusement, après cet épisode, c'est sur un chemin de terre qu'on marche pendant une bonne partie de la matinée, entourée d'oliveraies et de champs de blé… le type de chemin bucolique sur lequel je marcherais sans problème pendant des mois. C'est bizarre de savoir que j'approche de Rome, j'y serai dans 48h, et je m'attends toujours à traverser une banlieue bien achalandée (surtout que la prochaine étape se nomme "Campagnano di Roma", qui sonne comme "campagne de Rome", ou banlieue!), mais j'aurai toujours de l'espace pendant encore une longue période. Je sens que la campagne va me manquer car je risque de me retrouver uniquement dans des grandes villes d'ici la fin de mon voyage, mais pour l'instant, je profite de chaque minute de silence et de verdure!



Je n'aurai croisé, ou dépassé, aucun marcheur de la journée! Le camino presqu'à moi tout seul. Sauf passé Monterosi où je vois des gens à cheval, puis à vélo, mais rien de tout ça quand je prends le très étroit sentier qui était jadis la Via Amerina (un chemin datant du 3e siècle avant J-C… je ne sais pas si les pierres toujours au sol datent de cette époque, mais elles sont encore incroyablement bien positionnées), un chemin qui semble abandonné, aux herbes très hautes, aux branches d'arbre très basses, et manquant souvent d'indications… je dois regarder régulièrement mon gps pour m'assurer que je ne me suis pas écarté… mais c'est tellement le fun d'être en plein milieu de nulle part comme ça, j'ai l'impression de défricher en partie le camino pour les prochains marcheurs.





À part Monterosi, plus aucun village! Juste une fontaine à l'approche de Campagnano pour me "ravitailler", mais je suis déjà presque rendu à destination. Un village plutôt tranquille en ce début d'après-midi, je m'arrête pour qques bières et un spaghetti-carbonara (servi à même la poële, délicieux!) avant de prendre possession de mon logement vers 14h… et tout un logement! Clairement un des plus beaux, des plus spacieux depuis le début de ma marche! Avec deux chambres, cuisine complète, laveuse-sécheuse... Le luxe! Je me demande même ce que je fous ici, mais le prix était très abordable alors j'ai réservé sans trop me poser de questions. Un autre endroit où on se sent si bien que j'étirerais le temps et j'y resterais quelques jours. Je vais à l'épicerie me chercher quelques trucs et je soupe sur le beau petit balcon pour regarder paisiblement le coucher du soleil.
VF 18 - Campagnano di Roma à La Storta
Dur de quitter mon logement! Je traine longtemps dans mon grand lit, je prends une longue douche, et je prends quelques cafés sur la terrasse à écouter les cloches, les oiseaux et les coqs… un réveil paisible comme on l'aime, le début parfait d'une bonne journée de marche (qu'on annonce facile jusqu'à la Storta). Ce logement me fait penser que je pourrais, après mon séjour à Rome, me louer un endroit du même genre dans un joli village et passer mes journées à regarder le temps passer en attendant l'apéro! Et j'aurais le temps! Le plus grand luxe du voyageur! J'ai trois autres semaines à passer en Europe avant de rejoindre Lyon pour mon vol vers Dubai, les options sont multiples et à mon approche de Rome, je ne me suis toujours pas décidé sur la suite des choses. Je penche de plus en plus pour une traversée de plusieurs villes du nord de l'Italie… Bologna, Modena, Parma, Milan…. On verra!
Je traverserai aujourd'hui plus de villages que la veille, il y aura plus d'activité humaine. Le camino ici est plus clairement indiqué, et plus fréquenté. On sent que Rome n'est pas loin. Les cittadini viennent dans les parcs et sur les sentiers pour prendre l'air, y a des familles, des cyclistes, des motos, clairement plus de mouvement. Je devrai m'y faire. Je m'y attendais de toutes façons, les longues périodes de contemplation silencieuse sont révolues!
Mais quels beaux panoramas et décors bucoliques, à l'approche de la capitale! Sont chanceux, les romains!









À l'arrivée à La Storta, je me fais prendre par la pluie, mais je trouve refuge dans un petit bar-terrasse où je commande un Aperol-Spritz en attendant que ça passe. Mon hôtel n'est plus très loin, je dois longer un boulevard pendant les quelques derniers kilomètres avant de tomber sur le "Paradise Home", un lieu étrange, ultra-protégé avec clôtures, caméras et tout. Il y a un espace à l'entrée où se trouvent 5 bulldogs super sympathiques et affectueux, une piscine à l'arrière (je semble être le premier de l'année à en profiter, on est quand même juste en avril), et ma chambre est dans un espace au grenier que je partage avec trois marcheuses retraitées espagnoles, mais l'endroit n'est pas assez haut et le toit en pente fait que je me déplace constamment courbé sur le côté.
Je vais me chercher quelques trucs à manger au supermarché Carrefour et je m'installe pour écouter un film sur Netflix avant de m'endormir rapidement (je termine jamais les films ces temps-ci)
Je me prépare mentalement à conclure mon camino demain! 😢
VF 19 - La Storta à Vatican
Dernière journée!!! j'arrive pas à y croire!!
Finalement, c'était la bonne décision de continuer jusqu'à Rome, au lieu d'arrêter plus tôt pour éviter la folie entourant les funérailles du pape. Je pense que la satisfaction n'aurait pas été complète. Bien sûr, j'aurais eu une bonne excuse: les funérailles et le conclave qui s'en suit, et mon désir de poursuivre ma quête d'espace et de silence, mais j'étais prêt au sacrifice d'avoir à affronter la foule pour terminer ce camino là où il se doit: sur la Place St-Pierre!
Mais je dois dire que ce dernier blitz de marche a failli être écourté. Assis au café Taverna Cinque, après presque 2h à marcher à côté d'une autoroute bruyante, je perds patience et je me dis que je pourrais très bien prendre le métro jusqu'à la Place St-Pierre. Le Camino est insupportable, sans intérêt, je m'y attendais, mais je trouvais quand même dommage d'être si près du but et de le conclure ainsi de façon si peu spectaculaire… Je termine mon cappuccino, j'étudie ma carte en pesant les options. Je suis à 3h de marche du Vatican, et je vois que la Via bifurque vers un grand parc, la Riserva Naturale dell'Insugherata, pour ensuite revenir dans la banlieue, et entrer dans un autre parc avant d'arriver à Rome. Je savais que ça n'allait pas être l'équivalent d'une marche dans les collines toscanes, mais traverser des petits coins de verdure en plein coeur de la ville pourrait sauver la mise.
Ce fut étonnament le cas!! À un point que j'ai trouvé presque miraculeux que de telles réserves aux portes d'une si grande ville aient été si bien préservées, et soient aussi si peu fréquentées… j'aurais pu me croire en campagne profonde, quelques étapes plus tôt, tellement la nature était omniprésente et la circulation absente. Encore ici, le printemps donnait un boost aux herbes et aux plantes de bord de sentier et je devais parfois tracer mon propre chemin pour avancer. Suis-je réellement en banlieue de Rome??
Après la Riserva, je grimpe ensuite une pente à la limite du parc qui me ramène à la réalité urbaine de Municipio XIV, mais ça va, et c'est même plutôt bienvenue: je profite d'une terrasse pour m'enfiler un panino et une bière Peroni bien froide, question de combattre la chaleur torride!


Je poursuis pour atteindre le parc Monte Mario qui me laisse entrevoir, pour la première fois, la ville de Rome! Du haut de la colline, la vue est spectaculaire, et je sens l'excitation d'être si proche du but! La descente est ardue, sur un chemin en zig-zag fait de pierres inégales, et c'est tout en bas que je me retrouve à Rome. Je n'ose pas m'arrêter pour une pause, étant si proche du but. Je longe la Viale Angelico qui me mène en ligne droite vers la Place St-Pierre, contournant des centaines de touristes et les échaffaudages installés pour les funérailles du pape d'il y a deux jours (et laissés en place pour le conclave à venir)
Je suis enfin devant la Basilique. Après trois semaines, et 400 kms de marche.
J'en reviens juste pas...


Un mélange d'immense satisfaction, de réussite, de fatigue, mais aussi accompagné d'un petit deuil… est-ce vraiment terminé? Je fais quoi maintenant? Je comprenais maintenant Jean-Yves, ce français retraité rencontré en chemin qui me disait refaire le même camino deux années de suite. L'expérience nous colle à la peau, les paysages nous hantent, effaçant le souvenir des douleurs corporelles, des ampoules, du froid ou de la chaleur, et l'inconfort général…
On m'aurait dit "t'as pas le choix de repartir sur la Via en faisant le chemin inverse"... j'aurais répondu "pas de problème!"
Pourquoi on se met dans une telle situation? Qu'est-ce qu'on a à se prouver?
Pour moi, au-delà de ce rêve de marcher sur un grand sentier européen, j'éprouvais le besoin d'ajouter de l'effort physique à la contemplation. Je sentais que ça pouvait rendre mes voyages encore plus immersifs, plus intenses et plus mémorables aussi. j'avais l'énergie et la forme physique pour le faire. Je me sens encore jeune et fringant! 😁 C'était le temps. Et c'est déjà certain que ce ne sera pas la dernière expérience du genre!
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