Une journée dans la vie d'un Luigi (1ère partie)

Après deux mois à Hong Kong, un certaine routine s'est installée. Il y a bien plusieurs petites variations quotidiennes ici et là, mais essentiellement, je suis à peu près le même pattern... Et c'est pas nécessairement désagréable, au contraire. J'aime ce feeling de me sentir intégré à un endroit, d'y avoir mes références et mes préférences, de ne plus avoir l'air d'un touriste perdu, mais plutôt , dans une certaine mesure, de me sentir chez-nous...

Je vais au yoga 3 matins par semaine. Et il faut que je me lève vers 06h30 pour arriver à l'heure à la session de 07h30. Heureusement, il fait déjà clair, et déjà chaud si tôt le matin. Je me considère lève-tôt, mais je n'aime pas avoir "l'obligation" de me lever tôt. C'est chaque fois un peu pénible quand le cadran sonne à 06h25. Au creux de mon inconscient, ça fait ressortir mes nombreuses années comme camelot, et je revis chaque fois (comme si c'était hier) le supplice du premier pied qui sort de la douillette, les froids matins de janvier...

Une fois dehors, ça va. C'est même super agréable de marcher à mon propre rythme avant l'heure de pointe, sans être stoppé par une gang de chinois à petites jambes, ou de m'enfarger dans des ptites vieilles. Je ne dirais pas que l'air soit meilleur, par contre. Au contraire, il y a, vers 7h , de telles effluves de souffre et d'excréments émanant des bouches d'égoûts que si l'enfer avait une odeur, ce serait celle-là! Les poumons se bloquent automatiquement. Je n'ai jamais retenu mon souffle autant qu'à Hong Kong, à un point tel que j'en oublie des fois de respirer... Je suis à la veille d'avoir des branchis dans le cou. Et je ne suis pas le seul: plusieurs marchent en se bouchant le nez ou en se couvrant la figure d'un masque de chirurgien. C'est une des choses à laquelle j'aurai toujours de la misère à m'habituer...

Le centre Pure-Yoga est un petit havre de paix. On est accueilli par de la musique New Age, des bonnes odeurs, et des gens souriants. Les séances du matin ne sont pas très populaires et il n'est pas rare de me retrouver dans des classes de 4 ou 5 personnes. La cédule est différente à chaque semaine et on rencontre presque toujours des nouveaux professeurs. La plus cute, Nathalie, n'est pas nécessairement la plus sympathique (en dehors des heures de cours, elle parait vraiment snob et hautaine).... mais maudit qu'elle est belle. Je suis tombé sur le dos la première fois que je l'ai vue: une eurasienne élancée aux cheveux courts bruns et aux yeux en amande (mais pas trop), une voix reposante, une flexibilité déconcertante... elle est vraiment fabuleuse.

J'étais certainement pas en mesure de l'impressionner avec ma propre flexibilité, et surtout pas en pose "Happy baby", baignant dans ma sueur... va falloir que je trouve d'autres options.

Je dois dire, je ne suis pas encore tout-à-fait convaincu que le yoga soit pour moi. Je trouve l'expérience intéressante, mais le Hatha Yoga (le seul cours donné à cette heure ) est plus axé sur la flexibilité et les étirements que sur la relaxation et la méditation. Comme je vais aussi au gym le soir, je ne vois pas la nécessité d'une activité physique additionnelle (surtout le matin, à moitié endormi). Je vais quand même poursuivre, mais je devrai peut-être choisir un centre qui offre d'autres alternatives tôt le matin... avec ou sans Nathalie.

Mais le moment le plus enivrant, c'est la douche qui suit la séance. J'ai déjà dit à certaines personnes que c'est la plus belle salle de bain que je connaisse... les cabines de douche font face à une immense baie vitrée qui donne sur le centre-ville de Hong Kong... incroyable! Je peux passer une demi-heure sous un jet d'eau en mode "rain fall" et avoir l'impression de me faire pleuvoir sur la tête en regardant les traversiers du Victoria Harbour.

Après, c'est le déjeuner. Soit je prends mon café au Starbucks du coin, soit je saute tout de suite dans le métro et je déjeune au centre d'achat "Festival Walk" à côté du bureau... c'est le fun de la variété, et comme le Starbucks tout juste en bas du centre de yoga est toujours paqueté de monde, alors je tends maintenant à l'éviter et considérer d'autres options. Les quelques dernières fois ou j'y suis allé, je me suis fais entreprendre par une petite vieille qui cherche tous les matins à jaser avec du monde. Je niaise pas, elle doit avoir 95 ans, arrive avec ses sacs en plastique remplis à craquer de cossins, s'installe à une table, déballe ses affaires, se prend un jus et j'ai pas de misère à l'imaginer rester là toute la journée.

On a fait connaissance quand elle s'est approchée de moi un matin en pointant la chaise sur laquelle j'étais assis et me disant :"je veux m'asseoir là". On s'obstine pas, un coup de sacoche est si vite parti. J'ai donc changé de place, mais toujours à la même table. Elle a sorti un petit miroir de poche et a commencé à se noircir la racine des cheveux avec un petit crayon fusain. Mais ce petit élan de coquetterie ne pouvait pas atténuer sa laideur: un mélange entre une poune version chinoise et une pomme oubliée sur le comptoir. Je voulais pas vraiment lui parler. Je suis plate, mais ça me tentait pas pantoute. Et c'est pas seulement parce qu'elle est laide (ça m'arrive de parler à des filles pas belles... pas longtemps, mais ça arrive), mais surtout parce que c'est le matin et j'avais pas envie de raconter ma vie.

Elle a évidemment commencé à me jaser. Son anglais était correct, mais ses trois dents servaient d'obstacle à une bonne prononciation, donc j'arrivais à comprendre seulement une fois sur deux. Elle avait étudié en Angleterre, dans son jeune temps, et voyagé un peu partout, elle habitait maintenant Tsim Sha Tsui, dans la section populaire de ce quartier plutôt touristique. Pour le reste, j'ai plus ou moins compris. (Les chinois ont cette fâcheuse tendance à s'exprimer incroyablement fort dans leur langue maternelle, mais à marmonner quand ils parlent anglais... je vis ce problème-là tous les jours au bureau avec les employés, c'est vraiment épuisant.)... Anyway, j'ai été sauvé par une de ses connaissances, un Hollandais qui est venu s'asseoir avec nous pour lui faire la conversation. Ça tombe bien, ma B.A est faite et je dois de toutes façons aller travailler.

à suivre....