24 mai 2025

Emirats Arabes Unis - Abu Dhabi

Le parcours en autobus pour relier ces deux grandes villes fut moins palpitant que prévu. Je pensais avoir la chance de traverser des zones complètement dégarnies, désertiques, longeant ainsi le Golfe Persique, mais la banlieue de Dubai semble chevaucher celle d'Abu Dhabi et les commerces, centres d'achats et complexes résidentiels ne sont jamais bien loin. On longe quand même pendant plusieurs kilomètres une immense réserve boisée et clôturée où on peut apercevoir quelques chevreuils ("arabic deers" beaucoup plus petits que les nôtres), mais les parcs d'attractions et centrales pétrolières reprennent possession du paysage jusqu'à l'arrivée à Abu Dhabi, 2e plus grande ville et capitale des Émirats Arabes Unis.

À la sortie de la station d'autobus, je me demande bien dans quelle direction aller, toutes les rues sont plus moches que les autres. Des avenues bien droites, des quadrilatères qui se ressemblent, sans envergure ni originalité. J'entre dans le centre d'achat tout près pour manger quelque chose au food court du dernier étage rempli d'asiatiques (plusieurs immigrants d'origine philippine et indienne ont élu domicile ici), je prends un plat de nouilles-singapore avant d'embarquer dans un taxi pour rejoindre mon hôtel.

Une petite sieste, et je sors prendre une marche dans le quartier très commercial de Al Danah... le jour est tombé et ça circule beaucoup dans le coin. Toujours très chaud et humide, et avec cet éclairage artificiel provenant des centaines de buildings tout autour, ça me rappelle fortement Hong Kong... l'odeur aussi. Ce mélange de pollution, de vidanges, de cuisine internationale, de parfum des passants... décrit comme ça, c'est pas très vendeur, mais ça me ramène plein de bons souvenirs de mon long séjour en Chine et me rend un peu nostalgique!
Bref, pas désagréable du tout comme endroit, très vivant et authentique... le genre de quartier fréquenté non pas par la haute classe sociale des Émirats, mais par les immigrants principalement indiens et sud-asiatiques.
Je me trouve un excellent restaurant thailandais, et après un pad thai et une bière, je retourne lentement à mon hôtel pour la nuit...





La journée du lendemain était déjà organisée dans ma tête! 
Rien de moins que la visite du Louvre de Abu Dhabi!! C'est clair que je n'allais pas être déçu.
Totalement intrigué par le concept de "franchise" du Louvre se trouvant sur le bord du Golfe Persique, je me suis mis à lire sur le sujet, et les chiffres m'ont donné une idée de l'absurde richesse des Emirats Arabes Unis. (Ici, le Sheik n'est jamais sans fonds... hihihi)
D'abord, uniquement pour utiliser le nom "Louvre" jusqu'en 2047, Abu Dhabi a payé... 400 millions d'euros!
Puis, il y a la location des oeuvres d'art jusqu'en 2027 : 190 millions 
Coûts pour les expositions spéciales: 75 millions
Coûts pour le support administratif (peu importe ce que ça veut dire) : 165 millions
et, le coût de la construction du musée: presque 600 millions
 Inutile de dire que, si au début la France et le Louvre n'étaient pas chauds à l'idée, le nombre de zéros sur les chèques a du les faire rapidement changer d'idée. (Je les imagine se dire : "on va leur suggérer un montant ridicule, 400M, juste pour utiliser le nom, ils vont gueuler et nous laisser tranquilles!"... et non!... là les français doivent juste se dire, "merde! on aurait du demander plus!")
 Mais l'idée semble gagnante pour les deux partis. Le Louvre, qui ne présente que moins de 10% des oeuvres de son catalogue dans son musée de Paris, peut amplement se permettre de "louer" des oeuvres d'art qui s'empileraient de toutes façons dans ses entrepôts. Et pour Abu Dhabi qui cherche à diversifier son économie et se présenter comme un incontournable hub artistique et culturel mondial, c'est un investissement pour établir la réputation de la ville et la mettre définitivement sur la carte. 



Je ne suis pas du tout un amateur d'architecture moderne, mais je dois dire que le bâtiment extérieur lui-même est magnifique. On a l'impression de se retrouver dans un essaim, ou sous une épaisse couverture tissée, la blancheur de l'édifice se détache à merveille sur le bleu turquoise de la mer.




Et les oeuvres d'art exposées sont à couper le souffle! Un véritable cours d'histoire, c'est une traversée des grandes civilisations du monde à travers des pièces uniques et imposantes. On pourrait avoir l'impression que c'est un peu éclectique par moments, mais tout est habilement connecté par le choix des oeuvres toujours plus belles et grandioses les unes que les autres.
Je m'attendais à voir des thèmes artistiques plus proches de la vie moyen-orientale, mais j'ai été surpris d'y trouver des pièces classiques de femmes et d'hommes nus, un clash évident avec l'habituelle pudeur islamique. Signe que, réellement, le pays veut s'ouvrir et n'a pas peur de défier les conventions, quoi de mieux que l'art pour fissurer les mentalités un peu rigides? C'est très raffraichissant. 





...et il y a même un peu de nous ici!! 
 "Jacques Cartier découvre le fleuve Saint-Laurent" de Théodore Gudin (1847) 


Et bien sûr, les ambitions d'Abu Dhabi ne s'arrêtent pas au Louvre... voici le prochain Guggenheim Abu-Dhabi Museum qui sera, une fois complété, plus grand encore que l'original à New York... 


Mon passage à Abu Dhabi sera court, 2 nuits seulement... je tente donc d'optimiser mon temps ici, mais ce ne sera pas crève-coeur parce qu'il y a très peu de choses que je souhaite voir. 
Après le Louvre, je me doutais bien que tout ce que je verrais souffrirait de la comparaison, mais une visite dans un château pourrait très bien combler mon besoin de goûter à l'authentique culture arabe! 
Je prends un taxi en direction du Qasr Al Hosn (littéralement "Palais Fortifié"), le plus vieux bâtiment de Abu Dhabi, construit en 1761, qui fut la principale résidence du Sheik (et le siège officiel du gouvernement) jusqu'en 1966. 
L'endroit est très bien mis en valeur, et très agréable à parcourir. Plusieurs pièces donnent une idée du mode de vie de l'Émir et de son entourage, une décoration sobre, sans artifices, avec plusieurs ouvertures laissant habilement entrer la relative fraicheur venant du Golfe Persique tout près.





J'ai beaucoup apprécié les designs simples et épurés qu'on trouve ici et là dans le palais. J'ai acheté quelques collants (ci-dessous) ainsi qu'un porte-clé, qui feront partie des rares souvenirs que je rapporterai des Émirats. Pas question de cossins "I Love Dubai" ou "I Love Abu Dhabi", je ne peux pas me mentir non plus!








Dans quelques salles, des photos d'époques sont présentées, datant pour la plupart des années 1940 ou 1950... c'est hallucinant, surréaliste et très triste de voir la transformation des dernières décennies. 


 
Cette courte visite au Qasr m'aura fait du bien. C'est le genre d'endroit que je voulais voir, les buildings et les gratte-ciels finissent par se ressembler, peu importe où on se trouve dans le monde, et ces reliques du passé, avant que la modernité, la technologie et le gros cash viennent tout décrisser, restent des petits oasis d'authenticité qu'il est important de protéger, à défaut d'avoir pu conserver le mode de vie et les coutumes. 


Je rentre à mon hôtel, juste à temps pour voir une course de dromadaires à la tv! Hilarant. Au moins cette coutume a tenu le coup face à la modernité! 

22 mai 2025

Émirats Arabes Unis - Dubai

Le vol Lyon-Dubai est vide, j'ai une rangée centrale de 4 sièges pour moi tout seul, idéal pour s'allonger! J'avais hâte de goûter à nouveau au luxe de Emirates, l'une des meilleurs lignes aériennes au monde, mais comme pour Qatar Airways, je pense que la différence se ressent surtout en 1ère classe. En classe économique, les lignes se ressemblent pas mal toutes, (sauf les hôtesses de l'air qui sont toutes plus cutes sur les lignes du Golfe 😍)

Je suis surpris d'apprendre que Dubai est la 3e ville la plus fréquentée au monde, à l'inverse de Doha qui m'est apparue presqu'uniquement comme une ville de transit, Mais je ne sais pas si les chiffres incluent les voyageurs qui débarquent de leur avion pour quelques heures, en attente de leur correspondance, ou bien uniquement ceux qui quittent l'aéroport pour profiter pendant quelques jours des "attraits" de la ville. 
Car je me demande bien ce qui pourrait motiver les gens à faire un long arrêt ici, et même après mon court séjour, je me pose toujours la même question…
Parce que Dubai n'est que démesure, dénuée de charme et de cachet… le plus grand aéroport au monde, la plus haute tour au monde, le plus grand centre d'achat au monde… ça me paraît bien peu convaincant pour en faire une destination-vacances. mais un passage rapide, en route vers ailleurs, assouvit la curiosité. J'en avais tant entendu parlé et j'étais content d'y mettre enfin les pieds, et je n'insisterai pas pour y revenir.
Ayant eu une très belle expérience à Doha, au Qatar, 2 ans auparavant, je pensais y retrouver un peu de ce charme moyen-oriental, de la culture et de l'art islamique que j'apprécie beaucoup, mais Dubai n'est malheureusement rien de tout ça. Ça se veut être une "ville du monde" est on y retrouve un amalgame de n'importe quoi, n'importe où, toute construction n'est jamais trop laide pour être refusée, tout projet jamais trop inintéressant pour être rejeté.
Dubai, capitale d'un des 7 émirats arabes le plus riche, a fait d'abord fortune grâce au pétrole qui a totalement transformé le Golfe Persique au Xxe siècle. Mais aujourd'hui la ville dépend des échanges, du tourisme, de l'aviation, de l'immobilier et des services financiers. Signe que Dubai a réussi avec succès à s'éloigner du pétrole dont les revenus ne comptent plus que pour 1% du GDP.


Même s'il y avait eu plusieurs attraits majeurs, je dois dire qu'en cette saison, la chaleur intenable aurait quand même limité mes déplacements.  La piscine de mon confortable hôtel Tryp est devenu pour moi l'endroit le plus fréquenté de Dubai, ne pouvant faire autre chose que d'attendre le coucher du soleil pour aller prendre une marche dans les environs de mon hôtel. Laissant tomber la température de 45 à un tolérable 35 degrés. Mais le quartier est peu intéressant, loin de tout, je sue ma vie pour me rendre à l'épicerie,  je cours d'un endroit climatisé à l'autre, et je me réfugie au bar de l'hôtel (le Haze Lounge) pour siroter quelques drinks sans alcool. Dans les pays du Golfe, l'alcool est proscrit et se trouve nulle part, sauf dans les bars des hôtels, et je profite de ces limitations pour prendre une pause, nécessaire et bienvenue après deux mois d'excès et de débauche sur les chemins européens!


J'ai le nez collé à la vitre du superbe métro extérieur qui relie en 30 minutes mon hôtel au centre-ville, et j'attends impatiemment d'avoir un coup de coeur qui ne vient pas. Une suite d'édifices, de commerces et de centre d'achats sans fin. On cherche un brin de culture arabe, mais c'est peine perdue. Que du béton, de la vitre et du fake. Je me dis qu'après 2 mois à arpenter la France et l'Italie, je suis peut-être juste blasé. Difficile pour n'importe quelle ville du monde de compétitionner avec la beauté des villes millénaires européennes. Je dois garder l'esprit ouvert.

Le plus grand centre d'achat au monde, le Dubai Mall se trouve au pied du Burj Khalifa, la tour la plus haute au monde. Mais voyant la mer de smog qui nous entoure, je doute que ça vaille la peine de me rendre tout en haut en quête d'un panorama. J'arpente donc les kilomètres du centre d'achat, et je me demande rapidement ce que je fous ici. Toutes les grandes marques s'y trouvent et je ne pourrais m'en câlisser plus que ça. Deux vendeuses de produits de la peau m'interpellent, et me vantent une crème pour le visage qu'elle appliquent sur le dessus de la main. Après l'avoir frottée, elle essuie ma main avec un cotton qui ressort tout noirci, l'une d'elles me dit "Imagine ta face!"

Je suis sauvé par l'appel à la prière qui résonne dans tout le centre d'achat. Le summum de l'ironie.

 Je repense à Wilfred Thesiger, un des derniers grands explorateurs du 20e siècle, grand amoureux du désert et du mode de vie bédouin, et le premier à avoir traversé le fameux Empty Quarter, ce désert réputé infranchissable, du temps où les tribus bédouines géraient la région. À cette époque, on faisait du commerce entre tribus, certains s'enrichissaient grâce au marché de l'encens et de la perle qu'on trouvait dans les profondeurs du Golfe. Il y eut une longue période de chèvres maigres quand l'industrie fut anéantie par la concurrence avec les pays asiatiques… puis on commença à parler de l'or noir, et ce fut le début de la fin. En quelques décennies, grâce au pétrole, les bédouins avaient échangé leur chameau pour des Rolls Royce, et leur mode de vie millénaire disparut en un éclair. Le britannique Thesiger ne pu rien faire d'autre qu'être le témoin impuissant de cette transformation sans retour, maudissant les nouvelles technologies et la modernité.

Mais c'est facile à dire, quand on n'est qu'un visiteur ou un observateur. Le pétrole aura quand même contribué à sortir des milliers de nomades d'une vie de misère, de sécheresse et de chaleur intenable pour en faire des citoyens d'un des pays les plus riches de la planète. Thesiger pouvait adorer l'Arabie, mais il avait toujours le luxe de retourner dans le confort de son Angleterre pendant les grandes chaleurs persiques.

 Mais je pense que l'attrait de l'argent fait son temps. On s'enrichit, on s'entoure de tous les produits de consommation imaginables, puis l'absence d'âme et de profondeur, le vide finissent par se faire sentir.  Comme j'ai pu le constater en Chine, où tout a été démoli pour faire place au moderne et à l'expansion et à la croissance, la nostalgie s'immisce lentement, on cherche à reconnecter avec ses racines et faire revivre ses traditions oubliées. Redonner un souffle à un mode de vie perdu en reconstruisant des quartiers complets à la manière d'antan.


J'aime beaucoup cette photo prise tout près de mon hôtel... ça représente clairement comment je me sens ici! 



 À Dubai, c'est dans le quartier Al Seef qu'on retrouve une touche de mode de vie ancestral. Bien qu'il soit totalement reconstruit, son côté Disneyland fait quand même la job. Une manière d'échapper à l'exubérance du Dubai moderne… mais bon, on n'échappe pas à l'esprit de consommation, ça a quand même été fait pour plaire aux touristes et les dizaines de boutiques de cossins sont là pour nous le rappeler. Ça sent la basse saison touristique car je suis un des rares visiteurs en ce milieu d'après-midi et les nombreux vendeurs s'aggrippent à moi comme à une bouée leur permettant de sauver leur maigre journée. Très différent du Souk Waqif à Doha où les commerçants te laissent tranquilles, je retrouve ici la folie étourdissante des souks du Maghreb. Mais ça reste très plaisant, sous les auvents qui assombrissent les ruelles et qui rendent la canicule tolérable. Je m'achète deux petits bracelets pour 1$ chaque, (faudrait quand même que je rapporte quelque chose… vraiment?) et après avoir payé, le proprio sort aussitôt de son bureau pour tenter de me vendre un bracelet vingt fois plus cher, supposément fait de pierres volcaniques… déjà satisfait de mon achat, je le remercie quand même avant de quitter…  je pense que le jeune vendeur se fera engueuler d'avoir laissé passer une proie pareille en me vendant des petites pacotilles!

Le Al Fahidi Historical District juste à côté est autre chose. Avec ses musées, cafés et jolies boutiques, je me demande si tout est un prolongement "fake" du Al Seef mais la proprio anglaise d'une gallerie d'art m'assure que les bâtiments ici sont d'origine. Malgré les constructions et rénovations qui bloquent la majorité des rues lors de mon passage, je pense que les améliorations vaudront le détour, si un jour je me trouve forçé de refaire un arrêt à Dubai





Le Qahwa, le café traditionnel, qui goûte la cardamome mais avec beaucoup d'amertume (heureusement servi avec des dattes)

17 mai 2025

Allemagne - Munich et Karlsruhe

Les yeux collés sur la fenêtre de mon train, je regardais défiler la verte campagne bavaroise, et ses multiples pistes cyclables m'ont fait rêver! Je ne savais pas que les allemands étaient aussi fans de bicycles.
Et l'ordre qui règne dans la campagne, dans les petits villages, vient vraiment me chercher!
Le chaos a son attrait, pour un court temps, et je réponds mieux maintenant à l'ordre, aux choses qui fonctionnent, au raffinement surtout, au bon goût qui se traduit par un aménagement paysager, par un entretien des espaces verts, par un respect et une mise en valeur de la nature. Cette quête de la beauté a toujours fait partie de mes priorités, mais encore plus maintenant, peut-être que c'est l'âge?
Mais je valorise tellement l'espace et le silence qu'il me serait difficile maintenant de me retrouver et d'apprécier un endroit trop peuplé et bruyant...
  
Theatinerkirche

Asamkirche
Une église privée construite par les riches frères Asam au 18e siècle.

Sendlinger Strasse, une importante rue commerciale et culturelle du quartier Altstaadt.


Le coup de foudre n'a pas été immédiat pour Munich. La gare immense et bondée en ce vendredi après-midi, le bordel dans le quartier qui l'entoure, et le trajet pour me rendre à mon hôtel ne m'ont pas charmé. Mais je commence à avoir assez d'expérience maintenant pour donner une chance à une ville! J'ai lu et entendu tant de bons mots sur Munich, que je me doutais bien que la magie allait opérer en m'approchant du centre-ville historique... et comme de fait, c'est magnifique! 


Marienplatz, avec le Neues Rathaus (Hôtel de villeet les deux tourelles de la Fraunkirsche tout au fond (ici-bas)



Entrée vers l'immense Englischer Garten (Jardins Anglais)


À la Bayerische Staatsbibliothek (La Bibliothèque Nationale Bavarienne),  Une exposition d'illustrations japonaises "Colours of Japan", qui me rappelait le Japon où je me trouvais, un an plus tôt. 

J'avais trouvé le quartier parfait: Maxvorstadt! Plein d'étudiants, d'artistes, des dizaines de boutiques artsy, de multiples cafés et librairies. J'ai adoré arpenter ses rues et sentir cette vibe étudiante, jeune et dynamique, qui me rappelait un peu Montréal. Et comme pour Montréal, pour apprécier cette ville il faut trouver les quartiers qui nous parlent… difficile d'aimer la ville dans son ensemble. Munich fut passablement détruite pendant la 2e guerre, et on sent que l'emphase a été mise sur le centre historique (avec raison), laissant la périphérie se bâtir de manière parfois sketchy, sans âme. Je me suis retrouvé dans le petit parc devant le musée Pinakothek qui ne payait pas de mine, et j'en observais la façade en notant la reconstruction évidente, des briques de couleur légèrement différente pour combler les espaces détruits pas les bombardements. Intrigué, j'y suis entré et j'ai bien fait! Un musée assez exceptionnel, la plus grande collection d'oeuvres européennes du continent, avec un emphase mis sur les peintures dynamiques de Rubens.


Une pinacothèque vient du grec ancien et désignait à l'origine une galerie de tableaux. De nos jours, le terme est souvent utilisé pour désigner un musée de peinture, en particulier en Italie et en Allemagne.


Grosser Fischmarkt, Jan Brueghel (1603)


"Jenenser Student", Ferdinand Hodler (1908)


Landschaft am Genfer See, Ferdinand Hodler (1906)



The Massacre of the Innocents, Rubens (1636)
Les oeuvres de Rubens sont étonnantes de dynamisme et de mouvement... pour un animateur comme moi, c'est hyper inspirant!


 Je suis retourné ensuite vers Maxvorstadt, le quartier étudiant, des jeunes brandissaient un drapeau norvégien pour leur fête nationale, je me suis assis à une terrasse pour avoir l'expérience culinaire bavaroise: saucisses, pretzels, fromages, et bière locale… rien de trop léger, mais je ne suis pas souvent en Allemagne, alors vaut mieux en profiter! 
 J'ai marché lentement vers mon hôtel, retraversant le altstadt plutôt achalandé, et au final, je me suis dit que j'avais vraiment aimé Munich, contre toute attente, à l'inverse de l'impression première. On sait pas ce qui nous attend quand on donne sa chance à une ville!
 C'est toujours un bon signe quand les images d'une ville me reviennent en tête souvent après mon retour. On dirait que l'Allemagne passait un genre de test pour voir si sa culture, son rythme, me plaisaient assez pour pour me replonger dans l'apprentissage de sa langue. J'ai tellement "commencé" souvent à apprendre l'allemand dans les 30 dernières années, je souhaiterais cette fois-ci aller jusqu'au bout… on dirait que j'attendais d'avoir un coup de coeur pour la culture germanique/autrichienne, l'histoire, le rythme et la qualité de vie, et après cette saucette en Autriche, puis celle-ci en Bavière, j'ai cette envie d'approfondir sérieusement ma connaissance de l'allemand. 
Étant un fan de récits de voyages, je suis toujours surpris de voir le peu de littérature du genre couvrant l'Allemagne. Il y a tant d'écrivains, d'auteurs et d'artistes qui se pâment pour la France, l'Italie ou l'Espagne, mais pratiquement aucun ouvrage du même type qui décrit l'Allemagne de manière dithyrambique. Ça m'a toujours étonné, surtout concernant un pays européen aussi central, aussi diversifié. Comme si quelque chose dans  sa culture rebuttait les écrivains-voyageurs, qui préférent le traverser rapidement pour atteindre les douceurs de la Méditerranée. On pourrait comprendre cette réaction face à la littérature de la première moitié du XXe siècle, plusieurs voulaient se tenir loin de l'esprit belliqueux germanique, mais même les récits de voyages d'avant-guerres sont hyper-rares, ou peut-être peu traduits?







Karlsruhe Palace

Un arrêt ici parce que je dois prendre une correspondance pour me rendre à Strasbourg, en route vers Lyon. Karlsruhe est un "hub" ferroviaire important, connectant plusieurs villes allemandes et françaises. C'était la seule raison vraiment de me retrouver ici. Mais j'ai décidé de m'y arrêter 24h, découvrir une autre ville allemande du sud, juste par curiosité. 
 "Karlsruhe" signifie "Le Repos de Karl" en allemand. La légende rapporte que le roi Karl III aurait fait le rêve de fonder une nouvelle ville, mais je préfère la version où il avait juste voulu construire un palace pour se reposer, loin de sa femme.
Je laisse mon sac à la consigne près de la gare, je monte vers ce qui semble être le quartier historique, mais je prends la mauvaise voie, à droite du zoo, et je traverse plutôt une zone un peu triste, beurrée de graffitis, les commerces fermés, des gens un peu étranges, et déjà je me demande ce que je suis venu foutre ici. Marchant vite, traversant un parc en construction, j'arrive enfin sur ce qui semble être la route principale, mais où tout est fermé en ce dimanche (fête du travail?) Je m'asseois à une terrasse plutôt vide devant laquelle se prépare un mini-spectacle, car je vois des clowns et des musiciens de fanfare. Rien pour me séduire. 
Un attroupement se forme autour et après quelques tounes commencent les discours. Plusieurs tiennent des banderolles que je tente de déchiffrer, mais je vois que tous les groupes sont représentés, les écolos, les gais, les anti-fachistes, les pro-démocratie… mais je n'arrive pas à comprendre le thème central. Je m'éloigne donc, après mon café pour me rendre au palais devant lequel se tient un "science fair" jeunesse, plusieurs stands où des enfants présentent leurs inventions, leurs découvertes, leurs expériences scientifiques... et je vois passer le chien-robot de Boston Dynamics que j'ai vu souvent sur internet et je suis subjugué! Moi qui aurais bien choisi la robotique comme champ d'étude si c'était à refaire, je suis fasciné par ces créatures qui semblent presqu'avoir une personnalité (et dire que ce n'est que le début!)


Je continue ma marche à travers le quartier et je découvre un autre regroupement de manifestants, brandissant cette fois-ci des drapeaux européens, avec discours et applaudissements. J'ai mon cellulaire en main pour tenter de traduire ce que je lis sur les banderolles, et une dame s'approche pour me donner un petit drapeau européen. (Je me dis que ça fera beau, collé dans mon journal de voyage!) Du même coup, le groupe se place en cercle, on fait jouer un air classique qui fait figure d'hymne national, et tous se tiennent par main. Me retrouvant dans le cercle, un drapeau européen à la main, on cherche à m'inclure.
"I'm canadian!!" je proteste. 
"Everybody is welcome!" me dit une dame qui me tire par la main vers le cercle. 
Je suis donc là, imposteur, tenu par la main par des fans de l'Europe, à la fois gêné et crampé de me retrouver dans une telle situation, à attendre que l'hymne national se termine!



photo: google maps

Une mention spéciale pour le Ast Art Café où je suis arrêté un peu par hasard, mais aussi parce que j'étais attiré par la sympathique terrasse sur une rue tranquille, endroit parfait pour un raffraichissant Aperol-Spritz.
Je me mets à jaser avec le propriétaire de l'endroit, Patrick, un français qui débarqua lui aussi par hasard dans cette ville il y a 3 ans, décidant de s'y installer et d'y ouvrir un café "artistique" qui déborde d'oeuvres d'arts, de meubles disparates repeints, d'objets de seconde main qui trouvent leur place sur les tables et les murs. Patrick est à la fois proprio, l'âme de son resto, le décorateur et sa mascotte... on a l'impression que les gens passent pour le voir et lui serrer la main, il connait tout le monde, et son look unique ne passe pas inaperçu avec son chapeau vissé sur la tête... "ma marque de commerce!" qu'il me dit.
 
Photo: Karlsruhe Puls

Il me raconte alors sa vie pendant au moins deux heures, et il y aurait de quoi faire un film... soldat pendant la guerre de Bosnie (il est d'origine macédonienne), écrivain, artiste-peintre, aventurier, homme d'affaires, père d'enfants qu'il ne voit plus... la liste est longue mais fascinante! Même l'existence de ce café où on se trouve semble passager... "si je dois foutre le camp, je laisse tout derrière car ça ne m'a rien coûté!"
Une vieille dame vient nous interrompre. Elle lui serre la main avec un air inquiet et ils se parlent allemand pendant quelques minutes. Patrick me dit qu'elle venait s'informer de son état de santé... il a en effet eu un malaise cardiaque il y a quelques jours et revient à peine de l'hôpital... 
 Une vie aussi remplie et débordante laisse ses traces... mais Patrick, cigarette et verre à la main, me donne l'impression qu'il ne changerait pas une seconde de son parcours. 
+++
Je redescends vers la gare, près de laquelle se trouve mon hôtel. J'ai un sourire et une légèreté différentes d'à mon arrivée. Encore une fois, comme toujours, une ville qui ne me disait rien au départ a eu le don de me faire changer d'idée! Peut-être pas toujours grâce à son histoire ou ses trésors architecturaux, mais parfois aussi par ses rencontres et les petites anecdotes imprévues, des souvenirs que j'emporte avec grand plaisir. 
(une autre anecdote-coïncidence: je me retrouve à Oman dix jours plus tard, et lors d'une excursion je fais la connaissance d'un couple d'allemands originaires de... Karlsruhe!)